\ SECONDE JL JÉ T T R JË Contre la Compagnie d’Afïiirance , pour les Incendies à Paris , & contre l’Agiotage en général. Adressée à MM.PËRRÏËR & Compagnie . PAR J. P. BRISSOT DE WAR VILLE. On commence, par mettre le feu à la maijon , pour faire jouer les Pompes. J. J. Rousseau. A LONDRES. i 7 8 6. NjUBSPlAWf^ SECONDE % JL JË T T JR. JË C o N T R E la Compagnie d’Adurance , pour les Incendies à Paris* 'Adressée à MM. PERRÎER & Compagnie. Profpeélus de la Compagnie d’Adurance paroît enfin; vous vous en déclarez les Auteurs, Meilleurs; & je dois à mon tour me nommer, puifque je perfide à attaquer votre projet. Oui , Meilleurs , je fuis P Auteur de la Dénonciation du nouveau Plan de l’agiotage , ou de la Lettre contre votre projet de Compagnie d’Adurance. - — Vous n’en avez fait aucune mention dans votre Prof- peélus; vous avez foigneufement tû les objeéHons invincibles, j’ofele dire , que je vous ai oppofées; & j’ai droit de conclure de ce lilence , que vous étiez dans l’impuilfance de répondre ; car je ne céderai de le dire , fi j’ai tort , fi votre entreprife ed bonne , Il falloit me réfuter , me confondre. — Si j’ai raifon , il falloit enfévelir & votre Compagnie & Aij (4) votre Profpeéhis dans l’oubli. Vous n’avez pris ni Furt ni l’autre parti. Efpérant que les obftacles qui dévoient gêner la libre circulation de mon pamphlet , renfermeroient dans un petit cercle la fenfation qu’il devoit faire , efpérant que votre Profpeélus , par fon immenfe 6c libre publicité , tOmberoit dans des mains qui n’auroient pas le contrepoifon , & ameneroit dans vos filets quel- ques Citoyens crédules , vous avez pourfuivi votre projet , en gardant un filence adroit fur votre nouvel ennemi. Vous parodiez même avoir infpiré ces Gazetiers à la main , qui , comme les Compagnies d’ Agioteurs , vivent de la crédulité du Public, 6c vendent bien cher aux Provinciaux 6c aux Etrangers ignorans , un myflete autorifé 6c des nouvelles fecretes que tout le monde connoit ; ils ont prôné votre Projet 6c tû la Critique (i). Cette lâcheté ne m’étonne point. -- — Les Gazettes font depuis long - tems chez nous un moyen de mafquer la vérité. Entre les mains ( i ) Un de ces Gazetiers crioit tout haut, lorf- que la Brochure parut, que ce Projet étoit une infamie , une abomination. — Il aîloit jetter feu & flamme dans fa terrible feuille. Le Profpeétus a paru, & les grands argumens qu’il contient, fou- tenus d’autres raifons de poids , l’ont converti. Puis fiez-vous à l’honnêteté des Gazetiers fecrets par approbation, ' (.5 ) d’hommes énergiques & indépendans , elles feraient ce qu’elles doivent être par -tout, le palladium' du bien public & l’effroi des Char- latans. Mais ces hommes énergiques , on les écarte ; & pour quelques morceaux de pain jettés avec mépris aux mercenaires, les hommes corrom- pus difpofent de leur plume. Il faut vivre, c’eft le mot de tous; & voilà le mot qui tue, l’efpnt public , & qui fait abandonner la Société aux faifeurs de Projets, dont l’unique objet eft de s’enrichir à fes dépens. Cet efprit public eft le feul motif qui m’a mis la plume à la main contre vous. Je n’ai pu voir fans intérêt , fans indignation , que les habitans de cette Capitale alloient être encore une fois facrifiés à l’imagination féconde en Projets d’A- gioteurs cupides, qui, depuis deux années, fon- dent leur fortune fur l’ignorance & la crédulité , qui, transformant la bourfe de Paris en un tripot, transformeront bientôt prefque tous les François en Joueurs frénétiques. Quand les hommes tombent dans le délire, quand ce délire ne peut amener qu’un réveil funefte , qui donc doit fe charger du foin de le guérir, finon les Ecrivains ^occu- pés des caufes du bonheur public Ek de 1 extir- pation des abus? Vous ne me blâmerez donc pas , Meffieurs, d’être entré dans cette carrière ; fi vous êtes réellement animés par ces vues patriotiques nue vous affichez ) & ft vous ne faites point caa o . . A iij (6 ) commune avec ces pirates qui font à l’affût des orages, qui les font naître même afin de s’enrichir par les naufrages. Il y a long-tems que les hommes de Lettres, au lieu de s’occuper férieufement de futilités $ auroient dû donner au peuple & à fes inté- rêts cette attention qu’ils proflituoient à des baga- telles (2). Ils ont trop dédaigné , dit avec raifbn l’Auteur de l’Ouvrage fur la Caille d’Efcompte, de porter leurs regards fur les ëvénemens journa- liers du Commerce, de faifîr les occafîons d’éclair- cir fes principes , fes calculs , fa morale , &c. Il eft encore tems d’expier, de réparer leur indifférence fur ces objets importans. Le moment eft plus favorable que jamais ; le vieux fyflême qui faifoit regarder comme criminelle toute difcufîion publique d’ob]ets d’économie politique, ce vieux & funeiîe fyftême difparoît ; le Prince qui nous gouverne , recherche les lumières ; elles percent de toutes parts , elles pénétrent les grands cbrps ; elles commandent l’attention générale, — - mens agitât 'mokm ; — c’eft donc tout à la fois fervir fon Prince , fa patrie &: l’humanité , que de pour- fuivre les abus qui exigent, & de prévenir ceux qui doivent naître; & dût-on quelquefois fe laiffer ( 1) Infcitia Reipuhlicœ ut aliénez , dit Tacite , en ie plaignant de la même indifférence des Ecrivains de fon tems. C 7 ) entraîner à fa chaleur, elle paroîtra b.en excufc We auand elle aura pour bafe, ce mens confaa. mot de l’abnégation du patriQtifme; * l’impofture dévoilée ne manquera pas oe hafarder C°Aprèsmces obligations qui m’ont paru nécef- faires, je viens sthCurditè Pardonnez-moi ces terLx , ou une abjuraite. . dois * fT t ÆÎ:aS ce^menfonges •> ces abfurdités, je ne vous les impute pojt| ^ r 5t leu^e,éf cejur^ÿ^ dement. Quelle que fort leur des faits combattre. Aux menfonges, 1 ^^onnmehs. authentiques ; àux abfurdités , . Vous débutez en nous vantant 1 at dite d v ComX» «toc. « P»» ^ CcCSS^i*- p“rroti" h *»«« «■« “rtr™ Pa™’ regardé comme Cun des plus utile, On P6Ut etre tribution modiauc & w ’ Ceft une con- laquelle la propriété ,u mtaire’ au moyen de des événemens défaftreux dr^ofnVfT'6 •S* <■” *.’&£Î3 De ces trois avantages que vous prête? i l Compagme d’Affurance Z p tez a « du premier* car ïq f n°US occuPons que *app, “ A, „/ d“ »»< e» 11 « S £ ZtLZTT r "T *”“»• les bâtimens de Paris — / 1,” 1“ p0"^ fuT conftruftions nouvel! s 4 l k™1** des elles s’exécutent on dô'? 3V£C ,a<ïue,Ie les bâtimens ûn’ '1 r CrMre qU’11 fe fait dans conféquemmenraüe Tn?r^!oi de fonds ’ & firceL pa» " ne f ^ ^ h^ques nel’eft. ’ nepe« devenir plus grande qu’elle de conftruftions ne redome m^1'^ 'c" ^ feu que les grands Mt’ mS 6S n^ues du »■<-»« ...» «ir!4XV'?e - ^grdnd maIi car elle annonce un (9) lüxe effréné. Or ce luxe ne peut exlfter (ans une très-grande mifere. On cefferoit d’admirer nos Palais immenfes , de défirer d’en augmenter le nombre, fi l’on fe mettoit bien dans l’efprit que, le plus fouvent lorfqu’il s’en éleve un nouveau dans une grande Ville, il fe forme un défert dans la campagne , qu’un Village entier eft peut-etre abandonné. Or un Village eft bien plus utde a un État que vingt Palais ; & voilà le mal que vous voulez étendre , le mal dont vous voulez vous faire un titre à la reconnoiffance publique. Mais je viens au premier de ces avantages ima- ginaires que vous annoncez. Au moyen , dites- vous, d’une contribution modique & volontaire , la. propriété des maifons eft garantie des ^événement défaftreux du feu. Nous verrons bientôt ce qui faut penfer de cette prétendue modicité , de cette prétendue liberté de contribution. Arrê- tons-nous ici fur la garantie de la propriété des maifons.- _ Il eft bien vrai qu’une Compagnie d’Aiiurance garantit le prix de la maifon afturee que le leu a détruite ; mais ft le feu n’en détruit point , en quoi donc eft utile une Compagnie d’Afturance ? N eft- ce pas invoquer la Médecine lorfqu’il n’y a point de mal? N’eft-ce pas appeller un mal reel, fous prétexte de détruire un mal imaginaire ? Or voila le fait que j’ai articulé dans ma première Lettre ; & ce fait détmit dans fa bafe votre Projet; Si ce c. t 10 ; tot, on ne peut le révoquer en cloute; car s’il " etoit pas vrai, vous n’auriez pas manqué de le réfuter dans votre Profpeétus , par une énumé- ration des inaifons détruites par les Incendies (j), u moyen de prouver la néceffité de vos AfTii- ranc es; & ce fait, je. vous porte encore ici le défi “ Jf nKTJ de le renverfer. J ai ete plus loin dans ma première Lettre, revoyant que, pour éblouir les ignorans, vous cnenez peut-être l’exemple de Londres, comme vous lavez abfurdement cité pour appuyer vos P mpes a feu (4) ; j’ai prouvé que Londres étoit. ( ; ) C eft ce qu’a fait à Londres la nouvelle Com- pagnie dAtTurance du Phénix dans le Ptofpeélus qu ei'e a difiribué. Elle s’y exprime ainfï : nya Peut"Çtre pas dans l’Univers une Nation eu les accidens occafionnés Var le feu , fuient A frequens que che; nous. L’immenfe quantité de bois employée dans la conftrudion de nos bâti- mens , le chaume qui fait ia principale couverture des maifons des villages, l’abondance du chauffage les manufaéhires nombreufes où le feu eft employé » es encore fe fervent de matériaux com- bufub.es , telles font les caufes principales de ces In- C J1 les 1 rréquens , que les meiilêurs règlement & qae t01îte? les Précautions des individus ne peu- vent pas prévenir ». (4) Comme on ne celfe dans la foule des c II ) pour les Incendies , clans vingt circonftances > effentiellement differentes de celles où fe trouve Paris. Ma prévoyance a été trompée , ou plutôt elle a produit fon effet. Probablement vous avez vu îe Public il frappé de ce parallèle , de ces diffé- rences , que vous n’avez pas ofé nous vanter dans votre Profpeélus les Compagnies de Londres , pour juftifjer la vôtre, & cependant cette citation étoit il naturelle ! Qui donc a pu vous empêcher de fuccomber à la tentation de la faire , ii ce n’eft la conviction fecrete que vous diffimulez des différences à cet égard entre Londres & Paris ? Toutes fe réduifent à ce fait fimple, unique, qui Projets qui pullullent de citer éternellement Londres , je dois faire ici une réflexion qui m’efl: échappée dans ma première Lettre. Il fe forme fouvent à Londres des Projets & des Compagnies crès-funeftes à la Société •, mais le mal qu’ils peuvent caufer elfc réprimé par la liberté de la preffe qui offre un moyen prompt & sur d’éclairer îe public. Une autre réflexion qui m’a échappée , & qui eft bien importante , c’efi: qu'à Londres ni les Compa- gnies d’ A fl urance, ni celles qui fourniflént de l’eau ? ne font des Compagnies d’ Agioteurs : on ne joue pas fur leurs actions. Voilà un grand filial de moins. (12) doit vous confondre : les Incendies font fréquens à Londres (5) ; ils font très-rares à Paris. Je n’avois pas , en écrivant ma première Let- tre , des données certaines fur les dommages caufés par les Incendies à Paris. Audi ne fuis-je parti que de calculs approximatifs ? Aujourd’hui je puis me fonder fur un réfultat inconteftable , & qui prouve complètement l’inutilité de votre Compagnie d’Affurance. Il réfulte d’un relevé authentique fait avec foin pendant vingt-un ans, que le dommage occaftonné par les Incendies à Paris ne s’élève pas année com- mune à plus de 60000 liv. (6) & que la dépenfe des établiffemens , pour éteindre les Incendies , ne monte qu’à 80000 liv. y compris 8000 liv. pour le Chef de ces établiffemens . Or , qu’eft-ce qu’une pareille perte , qu’eft-ce que cette dépenfe pour ( 5 ) Le feu détruifk, il y a deux ans, à Londres, un des Magafins appartenant à la Compagnie des Indes. La perte fut évaluéè à lix millions. Arrive-t-il fouvent à Paris de pareilles pertes , qui doivent inquiéter les Particuliers & les forcer à fe faire affûter? ( 6 ) Quelques Perfonnes m’affurent que ces 60000 ne représentent que les dommages payés par le Gouvernement aux Particuliers , & qu’on peut apprécier à 90000 liv. ceux non -payés. Ces deux articles font 150000 liv. Quelque verlion qu’on adopte , la perte eft toujours très-peu conféquente , comparée à Fimmenlitè & à la richeffe de Paris. C 13 ) Paris? N’eft-ce pas avoir atteint prefque îe der- nier degré de perfe&ion dans Fart de prévenir les Incendies , que d’avoir réduit à une fournie li modique les ravages du feu dans une Ville aufïî immenfe, aufïi riche, auffi peuplée que Paris? Et n’en eft-on pas encore plus convaincu, quand on les compare à ceux qu’il fait à Londres & à Conf- tantinople ? Eh ! que pourroit-On attendre de mieux d’une Compagnie d’AITurance? Au lieu donc d’emprunter ce projet d’AITurance de Londres , il faudroit fe féliciter de ne pas en avoir befoin, & plaindre cette Capitale de l’Angleterre, li Fon n’y peut pas abolir toutes fes Compagnies d’AIfu- rance. Je ne me fuis pas borné dans ma préfédente Lettre à prouver que votre Compagnie étoit inu- tile; j’ai prouvé qu’elle étoit dangereufe, parce qu’elle introduifoit une nouvelle Compagnie dans l’Etat , une Compagnie qui n’ajoutoit pas un fol à la richeffe nationale , une Compagnie qui folli- citoit le droit indécent de mettre un impôt oné- reux fur Paris , d’agioter enfuite le produit éven- tuel de cet impôt, de nourrir une foule de fai- néans & d’hommes corrompus par cet agiotage, ruineux pour la Nation que le Gouvernement vouloir profcrire. J’ai prouvé que cette Compagnie n’étoit, en derniere analyfe , qu’une Compagnie de Joueurs ; qu’elle ne jouoit pas même un jeu loyal; qu’elle ( >4 ) parioit pour un fait certain , c’eft-à-dire , qu’il n’y auroit pas d’incendies à Paris , tandis qu’elle for- çoit fes habitans à parier contr’elle , contre un fait certain , c’eft-à-dire , à perdre leur argent. J’ai prouvé que cette Compagnie , loin de pré- venir les Incendies , les multiplioit ; & c’eft un fait dont on ne doit pas douter , quand on voit ce qui fe paffe à Lôndres. On ne peut fe diftimuler qu’un grand nombre d’incendies n’y foient pré- médités : les feuilles publiques font foüvent men- tion de procès (7) en acCufation d’incendies. Vous me direz , Meilleurs , qu'on ne doit point préfwner le crime . Diftinguons. On ne doit ( 7 ) Il me tombe dans ce moment fous la main un numéro du Lloyd's evenïngs pcjî , du mois de Mai dernier , qui renferme un fait concluant à cet égard* Un Marchand de Toile fut dernièrement accufé d’avoir mis le feu à fa maifon & à fes effets allu- rés. On avoir contre lui la dépofition de fa fervante qui fe déclaroit complice & avouoit elle - même avoir mis le feu; mais comme la complicité an- nulloit fon témoignage , qui d’ailleurs étoit unique, l’accufé ne put être convaincu. Etoit -il innocent? Etoit- il coupable ? Rien de plus indiffèrent pour mon obfervation ; je cherche feulement à prouver ici que Fexiftence des Compagnies d’Affura nce crée ou des incendiaires, ou des accufations d’incendies, dans l’un ôi l’autre cas des procès fcandaleux & . réYoltans* ( i5 ) point le préfumer chez un individu accufé , ni le condamner , le flétrir fur des préfomptions : mais lorfqu’on examine des projets d’économie politique , il faut voir s’ils ne feront point naître des tentations aux crimes. — Si ces tentations doivent exifter , il efi: plus què probable que les crimes exifteront : on doit le préfumer, & cette préfomption eftunfervice qu’on rend à la Société* puifqu’alors on empêche le projet : il faut le préfu- mer, dis-je, de la corruption humaine occaflonnée par le luxe Ô£ la mifere des grandes Villes. 11 n’efl: rien de fl facré fur quoi ne Spéculent les hommes attaqués de l’un ou de l’autre de ces fléaux. Eh ! n’a-t-on pas /pécule, ne fpécule-t-on pas fin- ie fang humain ? N’a-t-on pas vu des hommes que la guerre & les calamités uni verfelles faifoient nager dans l’opulence , les prolonger pour ne pas tarir la fource de leur fafte (8) ? Ne faifoient-ils ( 8 ) Voici un fait rapporté par M, le Maréchal de Villars. Lors de la révolte des Cevennes fous Louis XIV , il y avoit des Officiers 8c des Comr mandans qui gagnoient beaucoup , dît -il, à cette Guerre &: qui en craignoient la fln. Nous eûmes lieà de croire que quelques maflacres qu’on vouloir faire pafler pour fortuits , avoienc été ménagés pour défefpèrer & éloigner plus que jamais les rebelles prêts à fe rendre. Vie du Maréchal de Vülars3tom. I3 P^g. 307. fïO pas égorger des hommes pour s’enrichir (9). Se- roit-il donc plus étonnant que dans un pareil ef- poir la cupidité portât le feu dans nos maifons? Vous vous êtes bien gardés, Meilleurs, de me fuivre dans tous ces détails , dans toutes ces con- fidérations , de réfuter ce que j’ai avancé fur la foule immenfe de procès civils & criminels (10) qu’un pareil établi (Tentent alloit entraîner ; vous avez gardé un lilence obftiné fur tous les griefs dont j’ai chargé votre projet, fans doute encore une fois, parce que vous étiez dans l’impuilïance d’en ébranler la folidité. Mais que doit penfer le Public & de ce lilence , & de la perfévérance avec laquelle vous pourfuivez ce projet ? Quoi ! j’articule ( 9 ) Il y avoir aufli à Rome de ces fpèculateurs militaires; Tacite dit en parlant deux : Quorum cupiditates externis quoque bellis inexplebiles nulla vnquam civilis Victoria J'atiavit. ( 10 ) Un de ces Joueurs que j’ai peints ici , fondant à la vue de la lifte des crimes que feroit naître ce Projet , difoit : nous prend- on donc pour des enfans , en croyant nous arrêter par-là? Nous fommes dans un état de guerre ; que nous importe le bien public? — — Et voilà le Patriotifme & la pureté ,de l’agiotage. Il n’a pas même de pudeur. Après avoir abjuré toutes les vertus, comme un enfan- tillage qui ne rend rien > il s’en fait gloire» que ( i7 ) que ce plan eft un poifon pour fa Société , & vous perfiffez à vouloir nous en infeéler ? Eft-ce avec plus de vérité que vous avez avancé dans votre Profpeéfus , que la contribution , au moyen de laquelle vous offrez de garantir des Incendies, étoit modique & volontaire? Non, &£ je veux encore vous prouver qu’elle efi exorbi- tante & forcée* Pour juger de l’équitable proportion dhine con-» tribution, il faut la comparer à fon objet» Elle eft modique , fi fon produit furpaffe de peu de cho-» fes les dépenfes & les rifques attachés à cet objet* Elle efi: exorbitante , fi la différence du produit à ces rifques & à ces dépenfes efi: énorme» Examinons à la lueur de ce principe , le prix de votre affurance ; comparons-le avec les rifques connus des Incendies à Paris , & les dépenfes qu’entraîne la nécefiité de les prévenir ou de lejs éteindre. Vous demandez vingt fous par mille liv, du capital affuré pour les bâtimens de conffruéHon ordinaire , & dix fous par mille liv. des bâtimens pour lefquels il exifte déjà un abonnement d’eau avec votre Compagnie. Quant aux meubles , effets &: marchandées , vous ne fixez aucun prix ; vous annoncez qu’il fera plus élevé, & qu’on le fixera à l’amiable. Ce Prix d Affurance a paru modique aux ign o- rans ; ils ont trouvé un défintéreffement merveil- B ( i8 ) leux à ne demander que cent livres de rente an- nuelle pour un bâtiment de Cent mille livres ; parce qu’ils comparaient la rente au capital , 6c qu’ils ne tenoient aucun compte du rifque prefque' nul d’incendie que ce bâtiment avoit à craindre; & c’eE Perreu* où eE tombé votre Gazetier prô- neur , qui s’extafie fur votre Patriotifme. Eh ! que diroit ce grand Calculateur , fi un Médecin venoit lui propofer pour un ou deux louis par an de le garantir de la pelle ou de la lepre qu’il n’a pas , 6c qui font prefqu’inconnues dans nos contrées ? S’extafieroit-il auffi fur le défintérelfement de cet empirique ? Il eE bien vrai que E ce Charlatan , pour acha- îander fon Aflùrance , 6c gagner des tréfors , trou- voit moyen de reffufciter 6c de répandre ces' fléaux chez nous , ce ne feroit peut-être pas un mauvais calcul que de s’abonner avec lui pour les prévenir? Mais ne vaudroit-il pas encore mieux le chafïer , lui , fon fléau , fon art 6c fon AIFu- rance ? Ne feroit-ce pas ici l’hiEoire de la Compagnie d’ Aflùrance ? Il y a peu , mais très-peu d’incen- dies, en forte que Pon doit regarder le rifque comme nul ; 6c en lui comparant fous ce point de vue le Prix de votre Afîùrance, on demeure convaincu, qu’il eE exorbitant. Suivez-moi dans mon calcul : On compte à Paris 25000 maifons, Le dom- C *9 ) mage annuel des Incendies lie s*êlevant qrfà 60000 liv. (n)> c’ed 2 livb 8 £ par maifon l’une portant l’autre. L*établiffement des Pompiers l’entretien de tout Ce qui fert contre les Incendies , coûte annuel- lement 80000 liv. c’efl 3 liv. 4 f. pour chaque maifon. Ainfi, rigoureufement parlant, qne impofition de 5 liv. 12 f. par an fur chaque Inaifon * Pune por- tant l’autre , fourniroit un fond fuffifant , non- feulement pour entretenir les établiffemens contre les Incendies , mais encore pour rembourfer le dommage annuel qu’elles occafionnent , h cepen- ( 1 1 ) Je dois obferver cependant quon ne com- prend pas dans ces dommages les Incendies des Spe&àcles ou autres Edifices publics. Ces fortes d’in- cendies dépendent de tant de câufes particulières, & font d’une nature fi differente des accidens ordi- naires que les Compagnies d’Affutance ne s’en occu- pent dans aucun pays. D’ailleurs à la rêferve des bâtimens defiinés pour les Spectacles , qui dans certains endroits appartien- nent à des Particuliers , les Edifices publics n’intc- reflant aucune fortune privée, n’intérefiént par cela même perfonne allez pour en faire rechercher P A All- iance. Leur deftrudion en cas d’incendie ed toujours beaucoup plus aifément fupportèe par le fifc une Compagnie d’Affurance ( 20 ) c’eft une réflexion qui n’a pas même échappe aux Anglois. L’Auteur d’un paragraphe inféré dans le Lloyd’s evenings pofi , du 7 Juin , dit pofitivement que ce Projet fera plus onéreux qu’utile à Paris , où il y a peu d’incendies, parce que les maifons y font congruités en pierres , tandis qu’à Londres tout eft en briques Sc en bois. Ce paffage remarquable qui mérite l’attention des Gens inftruits , prouve que les Anglois eux- mêmes fentent l 'inapplicabilité de ce Projet à notre Capitale. Biv C H ) Encore fi , comme vous l’avancez ; cette Affurance étoit volontaire. .... Mais elle eft loin d’être libre : je l’ai démontré jufqu’à l’évi- dence dans ma première Lettre. J’y ai prouvé qu’aufîi-tôt qu’un appartement feroit affuré , le voifin , pour fa sûreté , feroit obligé de même de fe faire affurer , que ç’étoit une épidémie qui de- vait avec le tems devenir générale. Et en effet , quoiqu’ici l’autorité ne gêne point la liberté des individus , la force des chofes ne produi- ra-t-elle pas le même effet? Ainfi, lorfqu’on aura effrayé les Citoyens, en faifant naître des dangers inconnus jufqu’ici , lorfqu’on aura diminué leur confiance dans des fecours qui jufqu’à préfent ont fuffi a leur tranquillité , lorfqu’on faura que les fecours feront prompts ou lents, en raifon de ce qu’on fe fera ou ne fera pas abonné avec la Com- pagnie des Eaux, n’effdl pas évident que chacun pour fa sûreté perfonnelle , fera forcé & d’acheter votre eau , & de fe faire affurer ? N’eff-çe donc pas une dérifion , dans cet état de chofes , que de parler de liberté d’Affurance ? Ce tyran, qui avoit placé les Boulangers au-delà d’une riviere , qu’on ne pouvoir traverfer fans payer un droit de paffage , difoit aufïi- qu’on étoit maître de ne pas le payer , en fe privant de pain. C’eff ici le lieu de répondre à un reproche qu on m a fait d’etre tombé dans une efpece de çontradi&ion fur la contrainte des Affurances, On C m ) m’a dit: Vous foutenez, pag. 21 de votre Lettre; qu’il n’y a peut-être pas 2000 Propriétaires dans Paris qui fiffent affiirer leur maifon , parce qu’il faudrait , pour s’y déterminer , une crainte qu’on n’a point, un rifque qui n’exifte point, &c. & plus loin, pag. 27, vous foutenez que tous les Citoyens feront forcés de fe faire affurer. , fa contraciiction apparente s’évanouira , fi l’on réfléchit que dans le premier cas , je parle de l’état des chofes a&uelles, fans Compagnie d’Affurance, des nfques aéhiels, des craintes aftuelles; & dans le fécond , je parle de l-’état des chofes tel qu’il exiftera lorfque la Compagnie des Afîiiranees fera confolidée , & que des avions feront jettées dans le tourbillon de l’agiotage. Ileft très-certain que fi l’état des chofes, tel qu’il Ta fVant 1,exiftence de la Compagnie coptinuoit , c elt-a-dire , fi les Incendies ne devenoient pas plus rrequens , fi les dommages ne s’élevoient pas à plus de 60000 liv. les rifques feraient prefque nuis , & par conséquent on n’en devroit pas craindre , & par confèquent on ne fe ferait point affurer. Et quand ) ai porte a 2000 le nombre des Affurés , j’ai forcé mon hypothefe pour vous la rendre plus favorable- car, jamais dans cet état des chofes, il ne mon- terait fi haut. Mais, d’un autre côté, fi , comme Jeln prouve, l’exiftence d’une Compagnie d’Af- furance doit, foire naître des caufes d’incendie, . oit les .multiplier ; fi admettre une feule Affi.1- C lO rance dans une maifon, c’eft admettre la pefte dans un pays fain , fi dès-lors qu’une maifon fera affurée , il faudra que toutes les maifons voifines jouent le même jeu , il eft évident dès-lors que FAfîurance deviendra univerfelle , que l’impôt frap- pera toutes les maifons. Audi je n hefite pas d af- firmer que la voix publique , que meme le Miniftere public devroit s’élever contre le premier Citoyen qui auroit affez de foïbleffe ou d’ignorance pour avoir recours à l’Adiirànce , lôrfqu’il eft démontré que c’eft une calamité publique. Ne vous bornant pas à élever la prime d Adu- rance à un prix excedif, malgré la nullité des rifques , & à la rendre forcée * vous portez d un autre côté à une femme infiniment modique , le cautionnement de votre Adurance qui devroit être proportionné à l’étendue 6>t. à la valeur des objets adorés. Car puifqu’il eft certain qué tous les ha- bitans de Paris feront infenfiblement contraints de faire affurer leurs maifons & leurs meubles 9 puifque , fuivant l’edimation la plus moderee, ces maifons & ces meubles montent en valeur a plus de trois milliards, puifqu’enfin le total ^ de S Âdurances doit rendre plus de trois millions , n cft- il pas abfurde que la Compagnie n’offre que quatre millions de cautionnement ? Direz-vous que d’après mes propres calculs , la perte probable ne montant qu’à 60000 bv. quatre ( v) millions offrent une sûreté fuffifante (14) ? Mon calcul eft vrai ; mais , s’il efl vrai , pourquoi donc demander vingt fols par mille ? Il n’y a pas de milieu ici , ou votre cautionnement eft infuffifant , ou votre prime efl une üfure. Convenez, MeP iieurs , que dans l’un & l’autre cas , votre calcul n’eft pas fort avantageux pour le Public , s’il l’efl beaucoup pour votre Compagnie. C’eft apparemment dans ce dernier fens que vous avancez dans votre Profpeélus, que la Comr pagnie des Eaux femble naturellement deflinée à être chargée des Àfîurances contre les Incendies* Effedivement , comme elle n’a pu jufqu’à préfent, malgré les efforts des Agioteurs, donner un divi- dende réel , elle a , plus que toute autre Compa- gnie , befoin de s’étayer fur une entreprife qui n’exige prefque pas de débourfés , & dont le produit foit plus certain & plus abondant que le fien. Vous alléguez, à la vérité, un autre motif,* pour prouver cette liaifon naturelle entre les deux Compagnies ; c’eft que la première, dites-vous,' a déjà établi a grands frais des tuyaux de fecours contre les Incendies . Admettons cés grands frais , quoique fabuleux. N’étoit-ce pas une de vos obli-* ’ « - — — (14)11 efl tel Palais dans Paris, tel que le Palais Royal , dont Mncendie complété entraineroit une perte trois ou quatre fois plrts confidérahle que ce cautionnement» (i8) gâtions ? N’étoit-ce pas à cette condition que le privilège des Pompes à feu vous a été accordé (i 5) , & fous l’exprelle condition que vous ne deman- deriez aucun dédommagement pour raifon de non Iticcès de votre entreprife? D’ailleurs toute autre Compagnie d’Alfurance qui s’éleveroit , ne pourroit-elle pas établir de femblables tuyaux de fecours ? C’eft donc en vain que vous réclamez à ce titre le privilège des Affu- rances , à moins que vous ne prétendiez au Mono- pole de l’eau, & à pouvoir feuls pofféder la clef de tous les robinets. Il eft évident que dans ce cas , nulle Compagnie ne pourroit entrer en con- currence avec vous. Son fort dépendroit de votre volonté ; car vous pourriez lui refufer l’eau né- ceffaire pour éteindre un incendie. Le fort même de tout Paris feroit dans vos mains ; votre Compagnie d’Affurance feroit alors un bienfait ; car ne pouvant plus boire qu’en achetant votre eau ,, ni éteindre les (15) On lit dans un Profpeélus de la Compagnie des Eaux , diflribué en 1781 , qu’elle fe propofe de multiplier tellement les tuyaux de fecours pour les Incendies , que ceux-ci en deviendront très-rares. A préfeæt elle veut nous perfuader que fous devons nous faire aifurer contre le dommage des Incendies déjà très-peu important , que la Compagnie devoir rendre moins important j &c l’Affurance contre un pareil danger , il faut la payer très- cher, ) T ( 29 ) Incendies qu’avec votre eau , chaque habitant de vroit fe trouver très-heureux de pouvoir fe fauZ“ du d» feu , pour dix fois de eontriW par nulle livres. Si tel eft votre projet il ‘Z effrayant, & encore une fois tout bon C i n *»• rïer id k g»™™»™ % faE terribles de ce double Monopole. &'teS •SwSS Mais je veux vous faire voir que cette , ' T*’ fur la^elfe vous vous fonde l’eï" ^ rsir? «»» «pi»-. contre les foLrdL & Cdk ^ Affurances 'b"J"“ ™»e«r»,ch, poffiMe"" ““ “ Quel eft 1 objet d’une Compagnie d’AtT contre les Incendies? De navef d.Affurance qu’ils peuvent caufer. P X dommages II eft impoffible d’anner c™;r • • , naturels entre ces deux obVc . *C1 C£f raPPorts de fournir de l'eau d'une pirt ’&T’,! °bligation ( 3° )' Dans l’entreprife des Affurances, tout eft livré au hafard. 11 eft impoffible de prévoir quel fera le montant des rembourfemens. La première eft une entreprife ordinaire. La fécondé eft une Compagnie de Jeu par fa natu- re , & conféquemment hors des réglés ordinaires. La marche de la première entreprife eft hmple. Entretenir des Pompes à feu, pofer des tuyaux , recevoir une rente confiante ; balancer enfuite recette avec la dépenfe. Tout fe borne la. La marche des entreprifes des Affurances eft bien plus compliquée. Comme rien n y eft fixe, on y voit des difcuflions par-tout & fur tout. Difcuflions pour la prime d’Affurance , pour e prix réel de la maifon ou des meubles, pour le paiement en cas d’incendies. Les procès y feront nombreux & éternels. La Compagnie en aura non-feulement avec les affurés, mais meme avec ceux qui ne le feront pas & qui auront ete ruines par m Incendie commencé dans une maifon affurée. Car l’Affurance eft un conduaeur mal conftruit, mal pofé , offrant dans divers endroits une folution de continuité & qui fait ecrafer par la foudre les maifons qu’il devoit en preferver. Les pertes qui menacent la Compagnie des Eaux peuvent être prévues, reparees , dépendent des connoiffances, & de la bonne adm.n.ftration des Directeurs. . l^es pertes qui peuvent frapper .a Compag ( 3i > des Aiïurances feront imprévues , peut-être ex- ce/îives, & ne dépendent que du fort. Dans l’une il ne faut que des avances pour commencer, l’entreprife répond enfuite des avan- ces , & la Compagnie ne doit à fes Soufcripteurs que le mouvement de fes Pompes. Dans l’autre il faut un cautionnement immenlè, car quelles que foient les probabilités , les pertes peuvent être immenfes , & ce cautionnement qu on doit toujours tenir en Caiffe eft un grand inconvé- nient; car il peut difparoitre, s’il efl en efpeces{i6}« Il y a donc une difparité frappante entre une Compagnie d Eau parce que l’agiotage en a befoin pour foutenir fes fo- lies , & perpétuer le tribut qu’il tire de la cré- (19) Tout bien confédéré, il paroit très-probable que fAflurance n’aura jamais de fiiçcès , & cette ten- tative pourroit fort bien avoir été faite pour s’aiïiirer, fous Tappas des Affurances futures, de quatre nou- veaux millions donc la Compagnie des Eaux a befoin pour la dépenfe énorme qu’entraîne fon éta- bli Ternent. L’infufïifance des fonds déjà faits, a été démontrée dans les Pamphlets de M. le Comte dp Mirabeau, Cri (30 civilité du Public. Or s’il y a des établifïemens qui demandent la plus grande modération , le plus grand abandon de l’intérêt du moment, ce font les Compagnies d’Affurance. Elles ne doivent point fe preffer de difpofer de leurs profits apparens ; à la rigueur on ne doit les regarder comme acquis qu’après un certain tems. Sommes -nous donc capables de cette modéra- tion , nous François toujours extrêmes & dont le caraétere eft de vouloir jouir & de tout porter à l’excès , l’efpoir comme la crainte , le bien comme le mal? La Compagnie d’Afturance fuivra-t-elle ce principe de modération ? Pourra-»t-elle le fuivre étant fi étroitement liée au fort des aêtions des Eaux , de ces actions dont le produit eft encore prefque nul , dont les efpérances font incertaines , dont les Joueurs néanmoins voudront entretenir le prix par des dividendes forcés ? Depuis quand la fa'gefte , l’ordre & l’économie , la fidélité , la bonne foi feraient - ils leurs attri- buts ? Mon ^ non il ne faut point s’abufer , l’agio- ta ge n’a que des vues perfonnelles , n’imagine que des opérations deftruêlives , & fi quelquefois il fait le bien, il le corrompt en le faifant fervir de degré au mal qu’il médite fourdement. Ainfi donc cette fuperfétation de Compagnie é’Afturarice ne fauroit mériter la confiance publi- que , puifqü’eïle eft une des productions de l’agio- tage j puifqu’il l’a attachée à une autre Compagnie ( 37 ) dont l’objet primitif efl depuis long-tems perdu dô vue par fes manœuvres , puifqu’enfin toute affo- ciation d’entreprifes étrangères efl toujours un mauvais ligne. Si Paris avoit , comme Londres , le malheur d’être fouvent ravagé par les Incendies , fi pour raffiner les Citoyens effrayés & les garantir des pertes auxquelles le feu les expoferoit & qu’ils ne pourroient fupporter ; fi , dis - je , on n’avoit pas d’autres reffources que de créer une Compa- gnie d’Affurance , il faudroit pour lui donner de la folidité , lui attirer la confiance & diminuer fes inconvéniens , il faudroit qu’elle fe renfermât dans fon objet ; & qu’il ne lui fût pas permis fous quelque prétexte que ce fût d’appliquer fes fonds à d’autre objet qu’à celui des dépenfes & des rem- bourfemens de dommages. Il faudroit plus , il faudroit laiffer une porte ouverte à la concurrence ; permettre à toutes les Compagnies qui fe préfenteroient , d’affurer en fe conformant à l’unité de leur objet , & toutes , pour offrir une égale folidité , feroient forcées de fe conformer à ce principe d’unité , dès qu’une feule l’auroit adopté : il faudroit enfin que la preffe fût libre, afin que les Citoyens puffent toujours être inftruits par fon canal des abus qui pourroient s’y gliffer. Sans cette derniere précaution , je dis plus , fans la publicité des comptes & de l’ad~ miniflration , toute Compagnie ne peut être que Cüj C 3* ) funeftè pour le Public ; car enfin ce qui doit profiter à tous , ce qui peut nuire à tous , doit être connu de tous; qui fe cache, trompe ou veut tromper. Il réfulte delà que fi le Projet de l’Affurance contre les Incendies appartient naturellement à quelque Compagnie , c’eft à celle qui n’aura pas d’aurre objet. Car on ne doit pas ceffer de le ré- péter ; une telle Compagnie doit offrir une folidité entière &: intacle au Public , & cette folidité ne peut exifter que dans une Compagnie, libre de toute autre obligation. Comme le Gouvernement a par un motif très- fagë réfuté d’accorder un Privilège exclufif d’af- furanee à la Compagnie des Eaux , il peut & il doit , fi je fuis bien inftruit , fe présenter une nouvelle Compagnie qui mérite mieux fans doute la confiante du Public , par cela même qu’elle fe renfermera étroitement dans fon objet. Je ne parle pas des autres îaifôns qui devront lui faire donner cette préférence , telle que celle d’un cautionnement bien plus grand & mieux propor- tionné que celui de la Compagnie des Eaux , telle qu’une prime d’Afmrance moitié moins confidé- rable que celle exigée par la Compagnie des Eaux , telle encore que la publicité de les com- ptes &c. &c. En avançant que cette Compagnie d’Affurance mérite la préférence fur celle des Eaux, je ne < 39 ) prétends pas dire que ce (oit une bonne înftitiî^ trou ; loin delà , mes objeêlions contre l’AEurance s’élèvent avec la même force contrelle ; mais je la crois plus folide & par conféquent plus naturellement appellée à cette entreprife que la Compagnie des Eaux. Vous voyez donc , Meilleurs , que l’Àlïurance contre les Incendies , loin de vous appartenir naturellement , vous efl au contraire tres-naturel- lement étrangère ; cette étrangeté naturelle efl li complété , que pour avoir voulu amalgamer ces deux objets diftinêfs même oppofës , que pour' avoir joint l’AITurance à vos Eaux , & fondu les deux Compagnies en une feule , vous avez dé- naturé votre première entreprife les conié- quences de ce dénaturement , vont adeêfer les Actionnaires & votre entreprife elle-même. Permettez - moi d’éclaicir ici ce point de Jurif- prudence commerciale. Il peut intérefïer beaucoup d’honnêtes Actionnaires, qui ne fe font pas atten- dus à votre nouveau Projet, dont peut-être il dérange les combinaifons , & qu’il peut jetter dans l’embarras. Quel étoit l’objet de votre entreprife des Eaux dans fon origine ! Uniquement de fournir de l’eau à la Capitale. Vos Profpeêlus , vos Lettres-Pa- tentes , vos aélions même , n’oifrent pas d’autre but. Vous promettez de l’eau , vos allions font des aélions des eaux. La nature de votre C iv (4°) établi ffement eû donc bien fixé. Ses limites font bien déterminées. Or , en affociant à cette entre- prife des Eaux celle des Affurances , vous changez évidemment Ton objet , vous renverfez Tes limites, vous n’êtes plus Amplement des fourniffeurs d’Eau , vous êtes des Joueurs. Mais fi les premiers porteurs de vos avions; ne fe font réfolus à les acheter , à favorifer votre entreprife, que d’après le fyftême des Anglois , c’eE-à-dire , qu’après avoir conhdéré , que vous vous attachiez à une feule entreprife , que cette entreprife fimple dans fon objet devoit avoir une marche certaine &; facile à éclairer , que fon fuccès ne pouvoit dépendre du fort , mais bien de votre intelligence , & de la fageffe de votre adminiftration , fi dans leur maffe de confédérations ils ont encore fait entrer celle de l’utilité publique qu’ils ont cru voir dans votre Projet ; fï, dis-je, iis n’ont acheté vos actions que d’après ces bafes, n’efb-ii pas clair que, vous-même renyerfant ces bafes , vous ayez rompu le lien qui attachoit à vous cette forte çl’A&ionnaires , que vous avez à leur égard diffous. & annullé votre contrat de c ommendite? Ne feront - ils pas fondés à vous dire : nous ne vpulons qu’une entreprife , que î’entreprife des Eaux , nous n’avons contrarié que pour cette entreprife , nous ne voulons point' affurer , point jouer. — — Qu’aurez - votis à leur répondre ? C 41 ) Direz-vous que dans PAfTemhlee où vous avez propofé ce Projet, il a été adopté par la pluralité des füffrages (20) , & que cette pluralité doit obliger tous les Actionnaires ? Il eft aifé de pulvérifer cette objeCtion. La pluralité des fuf- frages doit, aux termes même de votre contrat, obliger tous les Actionnaires , lorfqu’il elt quef« tion de Projets relatifs aux Eaux , tendant h l’entreprife unique des Eaiyt. Mais elle ne peut obliger , lorfqu’il s’agit d’un Projet qui dénature l’entreprife , qui lui elt étranger , qui change fon objet & la propriété de chaque Actionnaire. Eh ! pourquoi? parce que l’obligation fe mefure fur la volonté , fur l’intention des contraCtans , U ébranle le crédit même de la Compa- gnie, il détruit fon projet en l’élevant. C’eft en vain que pour féduire le Public , la Compagnie des Eaux exalte les autres avantager- ai en découleront* C’eft en vain quelle nous promet que les f cœurs contre les Incendies feront plus multipliés qu ils ne le font déjà. ( 44 ) Eh ! qu’avons-nous befoin de tant de fecours; puifque nous avons peu d’incendies , puifque leurs ravages font peu confidérables , puifque l’établilfe- ment aftuel fuffit pour les prévenir? Si ces Incen- dies fe multiplient , c’eft a la feule Compagnie des Atfurances que nous le devrons ? Mais alors pourra-t-elle fe faire un mérité d’avoir multiplié des fecours contre un mal qui fans elle n eut pas exiflé ? Ceffiy. pour copier Rouffeau » mettre le feu à lu maifon , pour faire jouer les pompes . Ne celions de répéter que les vrais fecours contre les Incendies , font dans la bonté , 1 incombufti- Müté des matériaux employés pour la conftruclion des maifons, dans Fart de les diflribuer , & d op- pofer des obflacles à la communication des flam- mes ,, dans la furveillance des gardes de nuit , 6c fur-tout dans la grande abondance des eaux. Eh ! puifque vous ne voulez , Meilleurs , que multiplier les fecours contre les Incendies , pour- quoi donc détruifez-vous, avant de les avoir rem- placés , tous les établiflemens qui font abonder Feau , qui la mettent à la portée de tous les Citoyens ? Pourquoi déployez-vous tant d’a&ivité , tant de de chaleur, tant d’intrigues pour vous oppofer aux Projets d’amener à Paris l’Yvette & la Bievre? Si v Feau éteint le feu , n’eft-il pas évident qu’il faut favorifer tout ce qui en augînente la quantité . Et quel moyen plus sûr pour parvenir a^ce but > que d’autorifer toutes les fournitures deau par (45 ) des procédés différons & indépendans les uns des autres ? De deux chofes l’une , Meilleurs , ou le projet de l’Yvette étoit inexécutable, & il ne falloit pas s’en inquiéter; ou s’il étoit fufceptible d’exécu- tion , vous deviez , en bons Citoyens , voir avec joie ces nouvelles eaux couler dans la Capitale. Si cette entreprise eût fait obflacle à la vôtre ^ ce ne pouvoit être qu’en fourniffiant de l’eau à plus bas prix que la vôtre ; mais le patriotifme que vous affichez dans vos Profpeélus , je dirai plus , la teneur de votre privilège même , vous impofoit le devoir de n’élever aucun oblkde contre un établiffement dès - lors plus utile que le vôtre. Maintenant que votre Compagnie d’Affiirance doit, comme je l’ai prouvé, multiplier les Incen- dies & leurs ravages , maintenant qu’il fera nécef- faire d’avoir à Paris une plus grande provifion d’eaux , nous devons efpérer que votre oppofition eeffiera, que vous nous permettrez, fi les eaux de l’Yvette ne font pas ‘bonnes à boire , de les rece- voir au moins comme un nouveau fecours contre les Incendies , comme propres à laver nos rues 9 & même les pieds des chevaux , & même comme une précaution furabondante , dans le cas où vos Pompes viendroient à manquer. Car enfin qui peut tout prévoir ? & doit-on livrer à une feule Compagnie , faire dépendre du fervice d’uqe feule (40 machine , l’approvifionnement d’une Ville auffî immenfe que Paris? Le Gouvernement a pris pour être éclairé fur ce Projet , la précaution que lui didoit fa fagefïe. Il en a renvoyé l’examen à une commilfion. Son Auteur pourra donc renverfer à ce tribunal les objedions qu’on lui a faites fur Imfalubrité des eaux, fur les dépenfes exceflives, &c. ; & Paris doit efpérer d’être approvifionné d’eau par deux établiffemens , d’où réfultera pour cette Ville une plus grande sûreté , & certainement la diminu- tion de l’agiotage qui s’elt attaché aux adions des eaux. Ai-je tenu parole, Meilleurs? Je vous avois annoncé en commençant, qu’il n’y avoit pas une phrafe, pas un membre de phrafe de votre Prof- pedus, qui ne contînt un menfonge ou une ab- furdité ? J’en ai déjà bien réfuté , & il^ en exifte encore ; mais je me lalfe d’une tache aullî pénible. M’arrêterai-je à vous prouver, par exemple , que votre Compagnie ne remplira jamais 1 objet des Affarancès contre les Incendies, à meilleur marché que toute autre Compagnie ? J’ai déjà pulvérifé ce fait, en prouvant qu’une autre Com- pagnie pouvoir, en demandant une prime moitié moindre , obtenir encore un gain raifonnable ? Parlerai-je de vos grands fecours contre les Incen- dies p allés, lorfqu’il y a eu peu d’incendies, lorf. ( 47 ) qu’il eft certain qu’avant l’établiffement de vos Pompes , le feu s’éteignoit avec autant de rapidité ? Parlerai-je de cet avantage que vous exaltez à vos Abonnes d eau , d avoir dans leur réfervoir un ou deux muids d eau en cas d’incendie , lorfque cette «au ne fe verfe qu’à une certaine heure ; & que le feu prenant , le réfervoir peut être vuide ? Prouverai-je, par le contenu de vos Profpeéhîs &: de vos Lettres-Patentes , que votre Compagnie ne s ep point occupée, dès fes premiers momens, du Projet d’aiTurer les maifons contre les Incen- dies? Dirai-je que des conduits principaux étoient alors même prolongés depuis Chaïüot jufqu’aù fauxbourg St. Antoine? Qu’il n’eP pas vrai qu’ils fervent aujourd hui par des embranchemens toute la partie du nord ? Releverai-je cette prétendue modePie, de ne pas vouloir établir votre Com- pagnie fur des Lettres-Patentes? N’auriez-vous pas craint que leur enrégiprement eût fouffert des difficultés , qu’on l’eût combattu , & que la lumière éclatante ne les eût fait rejetter , & ne fût, par ^ ce moyen, parvenue jufqu’au Trône? Mais à quoi bon defcendre dans tous ces dé- tails. Ne fuffit-il pas de vous avoir démontré, ï°. Que non - feulement votre Compagnie eP inutile dans Paris , mais même qu’elle y eâ dangereufe ? 2°. Que la prime d’Affurance qu’elle exige* eû exorbitante & forcée. • ■ ’ (48) ,0 Oue votre cautionnement eft infimment rodique & prefque nul, comparé aux valeurs que ous vous propofez d’aflurer. 4o Que le Projet des Affurances eft par fa taire complètement étranger à l’entrepnfe des &. la dénature. '* fi les Incendies étoient frequens a Paris, fi l’on y crée une Compagnie d’Aflurance , e e doit fe renfermer, dans cet unique objet. 6» Que votre Compagnie m’étant point orne à cet objet, n’offre aucune folidite au Public 7o Que toute autre Compagnie pourra remp CeSirSr^ire votre Corn- PTauitneveCre le voile? Je le dois , Meilleurs -, je rends fervice au Public, qu’on a trop cruelle- ment trompé jufqu’à ce jour , parce qu ibn a pas 1« moyens de s’inftruire, je rends [ervice au Gouvernement qui veut la deftmÉhon de 1 agiota- ge iuT cherche à s’éclairer, qui le prouve par fa réferve à ne pas vous donner de privilège exclufif Cette fage réferve femble annoncer qu’il attend rinftruftion de la difcuflion publique. En la pr voauant , j’entre donc dans fes vues. Dans tous ces projets enfantés par la cupidité , on « ta.co.P je Ken P~l* & tlfme C’eft un mafque dont l’agiotage couvre fes vues intéreffées & difonslemot, c’eft 1 agiotage ( 49 ) ^'j’en3 Pr ienr* pour l’économie Sur u * e attention foiitgnüe on devoften mettre e din°n re dCS aÆons «éées , ■ mais ce ** 1 lorfque les autres neuf dixièmes d-s aîST1*-*11" rapporte, outre l’intérêt du capital rSaUt0,ent p oo Iiv. & tien n’étoit plus faire ™f, ü ^ obtenu , dans la derniete Aflfem blée , “uXs l™' leur feront délivrées dans peu de ten s f n, j SUX condltions du Traité de Socie é ^ D ( SO ) pas la crainte de les voir tomber, qui vous fait cléfirer de les vendre ? ~ , r ' Eh! qui , mieux que vous , fait que 1 expédient des Affûtantes a été réfolu dans un confeil des plus fameux Joueurs? qu’il a eu pour motif, lef- poir de réparer par l’agiotage des pertes caufees par les féduftions de l’agiotage? l’efpoir de re- lever par un nouveau mouvement je prix dech- nant des actions , prix totalement md.fferen > ( 3) votre entreprife ? Qui , mieux que vous , iâ t enfin nu’en fafcinant ainfi.de nouveau les efpnts cre, dules, en fe jouant de nouveau de 1 ignorance. / , , ) H faut encore le dite ; car on n’imagine pas tsg&g&deat TCI*» « at h* , »r ' ’ is::, les Asioieurs fe un pif jugé qu'il èteit yerfe dans cette potage. Il elt bien faut détruire ; il ten ) o 'tfabotd placé vrai que les Compagnies qu lorfqu’elles prennent toutes leurs adions , peuv , a ^ l'hiftoire leur prix exceiîif lui eft totalement m-iftc C m ) certains Agioteurs , certaines victimes ont efpe'ré den mettre d’autres à leur place fous le couteau ratai ? Et c’eft à ce coupable agiotage qu’on veut fa- cnfier la sûreté de Paris ! C’eft pour lui qu’on nfque de multiplier, les crimes, qu’on veut nous forcharger d un impôt onéreux , & confacrer un argent utile , à la plus inutile , à la plus ftériîe , à la plus vaine des entrepriiès ! Quand ouvrirons-nous donc les yeux for les ra- vages de ce fléau deftruCteuf ? Ne voit-on pas qu’il les etend par-tout, qu’il fait de Paris un gouffre immenfe, où viendront s’accumuler, avec une activité toujours croiffante , les richeffes de la Nation ; qu il appauvrit , & deffeche les Provinces gu il tend manifeftement à ruiner la Culture , les Arts les Manufactures (24), c’eft-à-dire, la vraie force productive dont il eft lui-màne abfo- foment dépourvu; car que donne l’agiotage d’un cote , qui ne foit ôté de l’autre > Ne voit-on pas que faifant de tout un jeu , fpécu- ant ans ceffe fur des illufions , l’agiotage fobftitue fo4) En veut-on une preuve fans réplique? Ne fe à la conduite fage Sc prudente du Citoyen , les folies & le délire des Joueurs ? Ne voit-on pas que le men- fonge efl fon moyen éternel , que fon fuccès le conduit à un fafte infenfé , les pertes à une mau- vaife foi inévitable, que dès-lors il n’exiile plus pour lui de vertus privées ? Ne voit-on pas que fqn épidémie devenant univerfelle , il entraîne dans fon tourbillon, Militaires, Magiftrats, Gens d’é* glife, Gens en place ; qu’il les convertit en Joueurs , &; qu’exaltant leurs paillons particulières , il éteint en eux toutes vertus publiques ? Ne voit-on pas qu’à cette trille époque , tous les maux menacent une Nation agitée de la fievre; que, riche, elle doit devenir pauvre , pleine d’honneur , elle doit devenir vile; que, célébré pour fa fran- diife , elle doit devenir faillie ; que fon crédij public doit s’évanouir , puifque le crédit s’attache à l’ordre & non au défordre , à la fageffe des calculs , & non au hafard ; qu’en im fon déshonneur & fa mifere font inévitables ? Voilà les funeftes- effets de l’agiotage ; effets qui font loin d’être exagérés. Il eil terns que le Gouvernement s’occupe des moyens de-J.es pré- venir. Mais comment? Parmi ces moyens, ceux qui font connus 6c pratiqués, font prefque tous dangereux. Il manque , fur cette matière neuve, importante , un Ouvrage Phiîofophique par un homme à qui l’expérience en ait dé- couvert tous les écueils , 6c qui , a la fagacite de y fait ( '>3 ) Pobfervation , joigne un courage inébranlable. E£ pérons qu’il paroîtra , qu’il éclairera cet antre ténébreux. En attendant , on doit dire qu’un des grands moyens d’arrêter les ravages de l’agiotage, eft de permettre que la lumière fe répande dans le Public , & qu’une difcuffion libre puiiïe éclairer tous les projets de Compagnies & de Privilèges. L’erreur n’efl: point dangereufe , lorfqu’on peut la combattre librement. Telles Pont , Meilleurs , les réflexions que votre nouvel établiffement • m’a fait naître. Si exles ne font pas fondées , je ne vous demande qu’une grâce , c’efl; de les réfuter , non par des Mémoires clandeftins , c’efl; l’arme des mauvai- ses caufes , mais publiquement. Il s’agit ici de l’intérêt public , & c’efl; au Tribunal du Public que,, nous devons difeuter ce Procès , Sc être jugés. Paris , ce io Juillet 17 86. P R O S IJ E C T U S. JL armi les étabîiflemens qui ont pour objet la sûreté des Citoyens dans une ville immenfe comme Paris, celui des Âfliirances contre les Incendies peut etre regardé comme V un des plus utiles : c’efl: Ch) une contribution modique &£ volontaire , au moyen de laquelle la propriété des maiforis eft garantie des événemens défaflreux du feu. On n’hélitera plus à placer des fonds fur des bâtimens ainli affurés; on entreprendra avec plus de confiance des conftru’Ctions propres à embellir la Capitale ; fèc les fecours feront encore plus multipliés qu’ils ne le font déjà. La Compagnie des Eaux femble naturellement deftinée à être chargée de cet établif- fement, & peut en remplir l’objet à des condi- tions plus avantageufes au Public , que celles qu’au- cune autre Compagnie pourroit accorder ; elle a déjà préparé à grands frais, des fecours pour les Incendies ; elle donne gratuitement toute l’eau né- cefifaire pour ce fervice , tk la sûreté publique en a reiTenti l’heureux effet en plus d’une occafion. Cette Compagnie , des les premiers momens de fon exiftence , s’étoit occupée du Projet d’affurer les maifons contre les Incendies ; mais alors fes tuyaux de diflribution n’étant pas allez étendus, dans Paris , & fes bouches d’eau point allez multi- pliées, elle a confidéré qu’il n’étoit pas encore tems de remplir cette vue. Actuellement que les conduites principales font prolongées depuis Chaillot jufqu’au fauxbourg Saint- Antoine , & fervent, par des embranchemens , toute la partie du Nord de Paris , & que les Machines que l’on conlîruit au fauxbourg Saint-Germain & à la Garre, vont ar- toute la partie du Midi, la ( T? ) Compagnie peut offrir les moyens qu’elle a pour effeéhier cette entreprife avec fuccès. En conféquence , MM. Perrier freres & Com- pagnie , ont obtenu la permiffion de présenter au Public les conditions fous lefquelles ils propofent une police d’Alfurance contre les accidens du feu. 1°. La Compagnie s*oblige de faire un fonds de ' quatre millions pour répondre de fes engage- mens envers les Allurés , & rembourfer les dom- mages occafionnés par le feu. Ce fonds de quatre, millions fera toujours exidant, & il fera formé en bonnes valeurs réelles, produifant intérêt, & fufceptibles d’être converties en argent à tous les momens où les engagemens de l’entreprife pour- ront l’exiger. Elle entretiendra ce fonds toujours complet pendant la durée de l’entreprife , & elle en judifiera, auffi fouvent qu’il en fera jugé conve- nable, par devant tels Commidaires qu’il plaira an Roi de nommer à cet effet. 20. Le prix annuel de l’Alïurance fera fixé quant aux bâtimens de condrutdion ordinaire , à raifort de vingt fous feulement par mille livres du capital alfuré ; & ce prix ne fera que de moitié, c’eft-à- dire , dix fous par mille livres pour tous les bâti- mens à l’égard defquels il y aura m abonnement de la Compagnie des Eaux , attendu que les fe- cours font plus prompts dans une maifon où il y a un réfervoir que d^ns celle où il n’y en a pas. 1 ( ) Les eftimations feront faites de gré à gré entre ks Propriétaires 6c la Compagnie. 30. Les Salles de SpeCtacles, les Foires, les Àtte- liers , Manufactures 6c autres conftruêtions , qyi expoferoient la Compagnie à des rifques plus con~ lidérables, pourront être allurés, mais à un prix différent , qui fera réglé à l’amiable il en fera ufé de même à l’égard des meubles , effets 6c mar- chandées , fuivant leur nature. 40, La Compagnie s’engage à rembourfer argent comptant la valeur des dommages réfuitans des Incendies , fix femaines après le procès-verbal qui conftatera lefdits dommages. 50. La Compagnie des Eaux n’entend folliciter aucun privilège pour l’exécution de ce Projet, déjà > établi par Lettres-Patentes du Roi, elle fuppliera feulement Sa Majefté d’autorifer 6c homologuer fes engagemens pour cet objet , fi le Public paroi t les agréer. Ceux qui voudront faire affûter ainfi leurs mai- fons , font invités à fe faire infcrire dans le courant du mois, au Bureau des Eaux* de Paris, où feront reçus leurs abonnemens, rue de la Chauffée d’ An- tin * n°, 72., SUPPLÉMENT. g C 57 ) SUPPLÉMENT A LA lettre précédente. malheur , j’ofe le dire ‘ car h AT œ 1 un arrêter ou prévenir le’ mal , CU®on *1U1 Peut P^pte que lui. moyen d’y ajouter quelques détails L ZT pagnie des AffuranCes i U ia fur l’Agiotage ’ qUdqUeS Ovations J’ai remarqué ci-devant que les Aa;„ • des Eaux avoient ftipulé par leur contt livrer a MM, Perrier que les -,fy ’ de ne étaient accordées gratis „„’a a a'°nS £fUI leuf taté & prouvé pJTs’Z "f5 Un fucc« conf- de l'affion. "efiCeS eSaux au prix Cette précaution était faire • e» \i , étaient l’ame de l’entreprife &Âl 611^? ^ d’hoto^trt&Tetptofift'' fT miI!e S" ïïr^* E (,§) MM Perrier défiraffent avoir leurs avions poul- ies vendre. Ils les ont demandées & obtenues dans l’Aflemblée du 3 Juillet , c’eft-à-dire , qu’on leur a accordé quatre cens aaions qui dévoient leur être livrées à différentes époques. Il eft vrai que pour faire adopter cette infrac- tion au contrat , on a attendu la retraite de la plupart des votans. C’eft une rufe ordinaire pour les motions qui craignent un trop grand jour & trop de témoins. On s’attend bien enfvute aux cris , mais le premiet pas eft fait , on gagne toujours ; eu terrein quoiqu’on foit forcé de reculer , & c eft ce qui eft encore arrivé ici. Il y eut des plaintes ; nouvelle Affemblee , grand débat. On arrêta néanmoins que ces Méca- niciens retireroient cent a£tt6fts au premier Jan- vier 1787 , deux cens dès que le dividende pro- duiroit aoo livres, & les cent dermeres etoient réfervées après leur mort. Troifieme Affembjée ; nouvelle %yeur. On leur accorde fur les trois cens dermeres aftions , 1 excé- dent du dividende, lorfqu’il furpaffera bo liv. _ Ces faits prouvent fuffifamment quel eft lefpnt des Compagnies & de leurs Admimftrateurs. L’intérêt Public eft toujours celui dont on s y occupe le moins. Quelle confiance doit donc y avoir le Public ! La Gazette de Leyde, en rapportant ces tran- faflions , a annoncé ces faveurs comme une jiifte \ , ( 59 ) rcWpenfe des travaux de ces Mécaniciens , tra- vaux qui , fuivant elle , avoient fait monter le prix des avions* F C’étoit faire leur fatyre au lieu de leur éWe Car par-la même on les transforme en Auteurs de cet agiotage qm , comme chacun fait , a feul porte les aftions à une valeur exceflive. Leurs tn vaux phyfiques n’y ont aucunement influé, puif- Jüfqu’à ,y . •> “uv-utiyiiiciu lîinU qu a peine ont-ils donné un léger produit. Jutqu’A prcfent deux nulle aftions feulement ont participé au dividende , & ce dividende n’a été que de cent ac- 7 '-ix Y IviWliVi.C il â 20 hv. Que fera-ce lorfque cinq mil!» c, lions participeront à ce modique produit > Les abonnemens depuis le mois de Janvier dernier n ont pas monte a quatre-vingt-dix muids. Qu’on juge par cet échantillon , & du produit de cette entreprife & de la véracité des Gazettes ! N’a-t-on pas avec la même confiance hafardé e dire dans cette Gazette , qu’il y avoit déjà plus de trois cens maifons affairées ? Les Propriétaires- d- ces maifons ferment peut-être fort étonnés d’an- prendre qu elles ie font. ^ ■ MaiS veux m’occuper de «modérations plus importantes pour le Public. Elle me font fuggérées par un autre article bien pius extraordinaire 55 dans cette même Gazette, & qui contient le pi! cubfriqUe 6 P. “S fcancla!eux qu’on ait ofé faire Publiquement ne l’agiotage. Je le copie en fuppri- £ ij (6 o) «liant les noms par égard pour les perfonnes : parure, perforas > dicere de vitiis . Extrait d'une Lettre de Paris , du y Juillet . « La fortune considérable que vient de faire en fi peu de tems M. l’Abbé a non-feulement éveillé lacuriofité publique , mais l’envie a voulu lui fufciter des défagrémens. Nous avons donc cru faire plaifir à nos Leéleurs en leur communiquant des recherches exaéfes fur les moyens dont ce jeune Eccléfiaftique s’eft fervi pour acquérir cette fortune. Elle n*eft point l’effet du hafard , mais d’une fpéJulation auffi hardie que bien entendue. Tout le monde fait que le génie qui préfide à nos finances , ayant ofé l’automne dernier /, prefcrire réglés & des bornes à ce jeu effréné qui me- naçoit d’engloutir tout , la place dégagée de cette foule d’effets factices , qui la tourmentoient de toutes les maniérés , a vu ceux, dont le fort lui efl véritablement confié-, monter ïuccjefïîveinent k hauteur à laquelle on devoit les voir s’élever. L’a&ion de la Caiffe d’Efcomp te s’efl portée a un principal auquel les dividendes affûtent un intérêt de fix oü fix & un quart pour cent , & l’a&ion de la Banque Efpagnole à celui auquel ils en affû- tent un de fept & demi. Les liaifons que M. l’Àb- a depuis long-tems avec plufieurs grandes maifons de Commerce , & X intelligence des befoins de la place qui lui av oient donne trente mille eciis (6i ) gagnes par lui cet hiver , lui ont fait ™ « que parmi ces effets il y en avoit un , ,°T nouvelle Compagnie des Indes ’ f * « portant à cent pour cent au dc(T. i’ ” ««»«, ,i p«r„ ^î"n '4tL*'r lapine g,miprr*f°l7 k pl” de mots U faut avÏer ;l:rtUne ****** tant de bruit. vouer qU on auroit tort de s’en plaindre j E iij c 6i ) il'ny a dans cette fpèculation rien qui reffente cet agiotage , que les Loix proferivent. C eft a la h au (Te d’un effet qu’elle eft confacrée , 8c cet effet par l’im- portance des objets qu’il reprefente, mérité parmi îes autres une des places les plus diftinguées. Du refte tout le monde convient qu’on n’a jamais montré plus de delicateffe 8c de générofité qu’il n’y en a eu .dans toute la conduite de M. l’Abbé & de fes Affociés. Le feu ne peut s'allumer nulle part fans au il ny ait quelques moucherons étourdis qui viennent s y confumer , 8c il paroit par un trait rapporté dans plufieurs Gazettes 8c par deux ou trois autres de cette efpece qu on a cites , que fi ces fpéculateurs n’ont pu arrêter tous ces împru- dens, ils ont du moins fu faire les facrifices né- ceffaires , pour qui il rd y eut pas de malheureux », ( Gaz. de Leyde, du 14 Juillet.) Quel homme fenfé n’a pas été indigne en lifant cette apologie de l’agiotage ? A - t - on voulu le Panifier en faifant l’élogè d’un Prêtre agioteur ? A-t-on voubi fan&ifier le délire de la cupidité , lar foif de l’or, en prodiguant des éloges au Miniftre des Autels , qui , pour les mériter , a du fouler aux pieds , je ne dis pas feulement tous les prin- cipes religieux , mais la décence , mais îa gravite de fon cara&ere ? A-t-on oublié que i’erifeigne- ment Public, le bon exemple, le maintien de la J iv 1 * font toujours confiés au Corps Ecclefiaffi- ces augu iûes («3 ) fondions , ou ne point fe déshonorer par les ma* nœuvres de l’agiotage ? Eh ! que fera-ce du reftfe de la terre , fi l’Autel peut être converti en un tapis verd ? Et quels font les compagnons de fortune de cet Eccléfiaftique agioteur? Un étranger que fa qua- lité difpenfe de tout efprit public envers la France - un Notaire qui , chargé d’une des plus refpeâables ronflions de la fociété , les abandonne pour fe plonger dans un Jeu effroyable 1 Et \ oila le Triumvirat dont on vante le génie , les lumières ,Tacüvité,-la maniéré grande & facile... " <£101 ’ ^ans ^rt d’accaparer , de jouer à la Ilauffe & a la Baille fur les fonds Publics ! N’cft- ce pas le cas de s’écrier avec le Mifanthrope : Morbleu ! vil compilant , vous louez des faites. Analyfons les éloges donnés à cette brillante operation ; il importe de mettre le Public en varde contre la fédwftion que pourroit faire naître ce tiffu de- fophifines & de menfonges. Je ne m’arrêterai point à remarquer cette ab- urchte , que cette opération était point fujette an kafard; comme fi elle ne frappoit pas fur les actions d une entreprife fujette à mille accidens. Et cette autre affection , qu’elle étoit auffi hardie < que bien entendue , ce qui eft une contradiction *lans les termes. Je viens à un inenfonge plus frappant & infidieux. Il affirme que l’Arrêt fut' E iv C 64 ) l'es compromis avoir dégage la place de cette foule $ effets factices qui la tourmenîoient de toutes les maniérés . Qu’entend le panégyrifle par ces effets factices ? Sont-ce les effets Royaux , les aélions de la Gaiffe ; d’Efcompte des Indes , des Eaux , de la Banque de, Saint-Charles ? On jouoit fur ces effets lors de l’Arrêt ; on y joue encore aujourd’hui , aucun n’a * difparu , pas même ce dernier. Pas même ce dernier , qui cependant eft fi étranger à notre place, & même fi funefte , à n’en juger que par le compte rendu de M. d?Af!orga. Le panégyrifle parle-t-il des compromis ? On n’a jamais pu les qualifier d’edets faéliees ; ils. exiflent d’ailleurs aujourd’hui , comme lors de l’Arrêt , & peut-être 11’en a-t-il jamais exiflé. Le Triumvirat lui-même n’en a-t-il pas augmenté le nombre , en jouant fur tout , en faifant une foule de marchés différens , & à toutes fortes de conditions ? Les a étions de la nouvelle Compagnie des ïndeS ont été le principal objet de fes fpéculations. Les Capitalises ne les négligeoient pas , mais ils atten- doient leur fuccès du tems. Et comment auroient- ils prévu les profits futurs d’une Compagnie naif- Tante, dont l’adminiftration n’efl pas bien connue, dont les vues font immenfes &les moyens bornés; d’une Compagnie qui a mille obftacles à vaincre au- dedans fkau-dehors, dont le commerce dépend . . , , . ) rie révolutions qui peuvent arriver dans de ' sr V(ar LT Jutions dépendantes à leur tour de m;ii •’ , «-f» « & «» nW> "rte Que dis-je , & fans aller fi loin Sssxt^'srivrance queces j^^s.ïtîîSï: France ? Oue^^ 00 pas!es niémes tentatives en SL?™" — - «SftSSTfc SSSS^ss «ac»bbie, „;, ' kS“t' "cm™r . P»» a™ •faw /, ?" *% ?’■’ Non’ ““ «-<- W*^fr 1 \™ S»'1 r». .1 0Wvr fu‘ d«, planches, d’étaler une ;C « ) cnleigne brillante , pour vendre de l’orviétan % il a vu qu’en prônant un effet y ou pour parler Ton langage, qu’e/z allumant un feu , bien des mouche- rons viendraient s y brûler , & il a allume le feu* Voilà tout le myftere de cette favante operation. Lorfque la Compagnie de la Mer du Sud tour- nait toutes les têtes Angloifes, la nouvelle imagi- naire de l’échange de Gibraltar contre une Place du Pérou , dans laquelle , difoit-on , il y avoir des monceaux d’or , fit doubler le prix des adions * & apporta dans fes coffres des millions de guinées. Voilà l’hiftoire des Hauffes occafionnées par les agioteurs dans les fonds Publics. L interet donne un corps à des chimères ; l’intérêt ceffe, & l’ombre difparôît. Tel a été l’effet de la Hauffe fubite & impre- yue des aélions des nouvelles Indes. Elles ^ ont baiffé, lorfque le preftige a difparu , & les Trium- virs eux -mêmes qui les avoient tant pronees , ont gagné de vîteffe pour prévenir l’orage; ils ont vendu. Et l’on vante le charlatanifme de cette Haulle éphémère, fi vil dans fon principe, & qui peut être funefte à la Compagnie , à l’Etat , aux Par- ticuliers 1 A la Compagnie ; en expofant fon entre- prife aux convul fions de l’agiotage , en forçant fa marche , en la forçant à s’écarter des réglés de la prudence dans la fixation des dividendes. Funefte à l’État ; les agioteurs s’affecient ordinairement , ( 67 ) des hommes puiffans , qui pour foutenir le pris extravagant des aftions , follicjtent du Gouverne- ment de nouveaux Privilèges , de nouvelles fa- veurs (2.5). Funefte aux Particuliers ; 'cette Hauffe peut leur infpirer l’envie du jeu : les moucherons viennent fe brûler au feu. Voilà les trilles effets que peut produire, qu’a' produits en partie la fpéculation du Triumvirat. Comment fon apologifle ofe-t-il dire que , s’il na pu arrêter tous les imprudens , du moins il a fait des ficrifices pour qu'il ny eût pas de malheureux. Mais n’efl-il pas intéreffé à attirer dans fes fi- lets le plus grand nombre pofïible de ces imprudens ? N’auroit-il pas agi contre fa fpéculation de dimi- nuer la force du feu ? (i*)En voici un exemple choifi entre dix mille. En 17^0 on propofa au Confeil de faire une Loterie pour rétablir les aétions, & en retirer 15000 liv. par an ; Le Maréchal de VilLirs parla ainlî fur ce Projet: J'avoue ma profonde ignorance fur cette marierez tout ce que je fais , ceft que voilà pour la troifïemé rois que le Roi paye des aélions qui ont ruiné le Royaume. Mais je conçois une bonne opinion do : erat des Finances, puifque pour foutenir les avions , R Roi donne neuf millions par an de fa ferme du i abac, le million, deftiné aux rentes de la Ville & quatre autres millions encore pour ces maudites ac^ tiens, Jour, de Villars, tom. 4 , pag, 47, (68 ) Quant aux malheureux , il n’efl pas abfurde de dire qu’il n’y en a point eu, grâces à la généro- fîté du fortuné Triumvirat? A-t-il pu gagner des fommes immenfes fans les faire perdre à d’autres ? Et qui fait fi, au moment où j’écris, vingt familles 21e font pas dans les larmes , parce que leurs Chefs ont été crédules & imprudens ? Si le Jeu fait na- ger deux ou trois favoris dans l’opulence , il porte le défefpoir & la mort dans le fein de cent Béverley. , \ De la compaffion , de la généralité dans des Joueurs ! Peut - on croire à cette fable? — — - J’ai des monceaux d’ôr , j’en veux jouir; une délicieufe petite -maifon , des créatures charmantes, des fbupers fins , une vie voîuptueufe. Voilà le plan du Joueur heureux, du Joueur , célibataire , égoïflè ! On cite cependant ici des traits de générofité. Mais ne font-ils pas plutôt le produit du calcul que de la bienfaifance ? L’Eccléfiaflique fi défintéreffé n’a-t-il pas été forcé de facriùer à fa robe ? N’a- t-il pas craint le fcandale , fi des procès écla- toient , ou fi des familles opulentes réduites à la mifere enflent dépofé contre fa cupidité ? Que prouvént donc ces traits , linon que le Jeu a étéi porté au degré le plus effrayant ? Les heureux ont craint jufqu’à leur fortune ; tant elle étoit esceflive ! Ces effets de l’agiotage ont été bien fentis , 4' A ( Na»on;ilaMi;„rî1Kg^r“'"‘‘e «LtZiïSt î““m « publier /îast k 1 autre une opulence ranicîp Pr i i r 9 Ww *fWae P«r fies moyens cTs^ffreu ^ ^ véniens fe font r mcon* France, & cela devoit ét e parT^ ea inutile de développer S a ?’'leS plus fnfceptible d’illttïîons mo' ara,^re Na«°na! ÎTTn’ allomenfoit encore ce danger f/fo gefTe du Gouvernement t ^ . /• ,, ô A** progrès Tout r “e d en arrét« 3és progrès. icM ce y«2 peut ^ à - ^ JW circonfiances rendent pins urgent ,'e(l un f * nndu a lEtat , aux PafücLrsfi Û Co/^ a l honnêteté publiai?? Ai , -r Lomm^ce ^ *** d“,“- »“»«»> (A: s ( 70 ) contre lefquels la févérité des Loix s’eft armée en tout pays». Je dois ajouter à cette dérhiere reflexion , que l’agiotage échappe plus aifément que la contre- bande & le Jeu ordinaire , à la féverite des Loix, que celles-ci ne peuvent jamais prévoir tous le> ftratagêthes imaginés par la cupidité , pour les éluder \ enfin que des Loix contre 1 agiotage font fouvent même dangereufes , parce qu’elles portent atteinte à la bonne foi du commerce* ^ On le détruira bien plus sûrement , en le pré- venant * qu’en cherchant à le réprimer par des Arrêts , & rien dè plus propre à le prévenir que de le livrer à la difcuffion publique. L agiotage craint en effet le grand jour , il cherche le myf* tere. Qu’on encourage donc les Écrivains à porter la lumière fur fes opérations, qu’on les raffure contre la perfécution des hommes puiffans , qu’ils puiffent analyfer chaque jour, ces reffources , ces rufes dont il fe fert pour produire des variations fréquentes , fubites & confidérables. Les fonds publics , & bientôt le nombre des Joueurs dimi- nuera , parce que la lumière eclairera les viéfimes. Quand un écueil a caufé des naufrages , que fait- on pour en prévenir d’autres ? Un phare s’allume la sûreté renaît, ki l’écueil exifte , les naufrages font fréquens , un mot créera le phare. Je ne doute point qu’effrayés de ces idées les ‘Agioteurs ne cherchent à fe défendre , à juMer ( 7i ) Pagmtage Ils citeront l’exemple de l’Angleterre & Îc lï MrS C’anS C“ Pays Phabit^e du calcul & du fang-froid ôte à l’agiotage ces mou- vemens fougueux qui le rendent fi dangereux. Son elpnt toujours contenu par l’efprit public , ne. pénétré pas dans les admmiftrations des Banques &des Compagmes des Indes, dont les effets font es leuls , apres ceux des emprunts qui occupent les Agioteurs. Car toutes les autres entreprifes , étant fujettes a la concurrence , ne verfent poi„s avions dans le commerce, & n’offrent par Moteurs!4 aUCU" 3PPaS à ***** “duûrie des Dans ces États la guerre eft prefque la feule danfl^f b,ai'res.IC0nfidérabl«, & ta confiance dans les fonds publics, y eft telle que la paix qui horfd ÎaUffrr, 6 P'IX ’ 3 bientôt mis fonds x arable. 38101382 “ j°Ue qUe fur ce fIlli eft Les Anglois n’accordent d’ailleurs aucun crédit f “ q,U °n aPPelie Joueurs dans les fonds Publics, ( Stock- Jcbbers.) La Banque & les Commerça*’ e melent pas de leurs marchés-, ne font pas, comme a Paris, des points d’appui qui prêtent des forces a agiotage , & en augmentent les moyen? ?Ze;,p > ainfi qu’en Hol,ande ’ de Honandb°rdanCe ,dU numéraire » ?en eft pas de même en Angleterre. Tous les bons efprits y gémilïent des erreurs du Gouvernement qui ont fait multiplier les emprunts , 6c par cela même introduit l’agiotage', tous font Convaincus, que fans lui, les intérêts de la dette publique feraient moins onéreux. Il n’y a donc aucune comparaifon à faire entre l’Angleterre , la Hollande 6c la France. Dans le premier de ces États , le mal eft beaucoup moins grand que dans le dernier. Dans le fécond , la fur- abondance du numéraire néceflite ce genre d’in- duflrie, 6c par cela même l’afTujettit à des réglés qui en préviennent les écarts. Enfin ne celions de répéter que dans les deux premiers États la liberté de la preflTe ôte à l’agio- tage fon plus grand danger.